Africaine ? Moi ?
Je suis Algérienne. A ma naissance, on a coupé mon cordon ombilical pour en laisser un morceau souvenir à ma mère. Par la suite, on a délicatement tamponné mon front de l’invisible mention « arabe et musulmane ». Je suis née en Algérie , un pays peuplé d’arabes ,de kabyles ,de mzab, de chaouis,de touaregs…bref…un fourre-tout culturel. Ces différents peuples sont les résultats de nombreuses migrations entre les pays qui bordent les frontières algériennes : Maroc , Tunisie , Libye , Mali , Niger, Mauritanie. Bref, l’Afrique quoi !
L’Afrique. Voici un mot bien grand dans la bouche des Algériens , mais bien plus petit dans leur culture. Dans mon pays, l’Afrique n’a de nom que celui d’un contenant géographique et territorial, comme si l’Algérie était tombée dedans par le pur hasard des mouvements sismiques.
Lors de mon premier séjour en Afrique de l’Ouest, mon choc a été de voir comment j’étais perçue par d’autres habitants du même continent que le mien. Je me sentais un peu comme « le nouveau voisin bizarre du 3ème ». Vous savez ? Celui qui vient d’emménager dans votre immeuble et que vous n’osez pas inviter chez vous parce qu’il habite seul avec ses 3 chats et qu’il jette tous les jours ses poubelles à la même heure.
C’était moi , c’était l’Algérie. Ce pays qui a choisi de s’enfermer dans son petit club privé du Maghreb où règnent toutes sortes de chamailleries avec le Maroc ou l’Egypte sous fond d’indépendance saharienne ou de spéculations footballistiques.
J’ai bien tenté de chercher le coupable ! L’école? Mon manque de curiosité? Ou peut être le président Houari Boumediene qui,de son vivant, avait hissé le drapeau algérien en direction des aigles de Nasser et du panarabisme.
Qu’est-ce que le monde arabe nous a donné de plus que l’Afrique aurait pu nous donner? Une vue panoramique sur les printemps arabe , la burqa ou les séries édulcorées égyptiennes. Mais je ne vais pas cracher dans la chorba, sans le Moyen Orient, je n’aurai pas eu Naguib Mahfouz, Fayrouz ou même une 3ème langue sur mon C.V. J’aurai quand même aimé grandir en lisant Léopold Sedar Senghor, sous les notes d’Alpha Blondy.
Il a donc fallu que j’aille au delà des frontières maghrébines pour découvrir ma nouvelle identité avec comme caractéristiques: la générosité,l’humanisme et la simplicité.Cela est-il valable pour tous les Algériens? Ca semble bien compliqué du fait qu’ils préféreraient se payer un billet Alger-Paris pour aller à Disneyland plutôt qu’un aller Alger-Abidjan pour un stage d’initiation à l’africanisme.
Pour l’heure on ne peut que constater les dégâts causés par l’isolement du pays dans son propre continent : du racisme à toutes les sauces, repris sans concession par certains médias locaux.
Qu’on vienne me parler de la « grandeur arabe et musulmane » alors que certains rejettent ouvertement leurs propres voisins , parmi eux des frères musulmans. N’est-il pas précisé dans le Coran que c’est bien un noir, Bilal Ibn Rabah qui a été le premier Muezzin de l’Islam ?
Afrique, si tu m’entends. Ouvre moi tes bras et libère moi de l’actuelle schyzophrénie arabo-musulmane, je te promets d’apprendre à danser le coupé-décalé, à préparer l’attiéké et à toujours avoir un CD de Papa Wemba dans ma poche.
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