Air Algérie : c’est le brouillard !

Article : Air Algérie : c’est le brouillard !
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3 septembre 2014

Air Algérie : c’est le brouillard !

Le slogan d'Air Algérie "Always care for you" parodié par Billy Créations.
Le slogan d’Air Algérie « Always care for you » parodié par Billy Créations.

Depuis l’âge où j’ai commencé à regarder des films qui n’étaient pas forcément de mon âge, j’ai toujours eu une étrange passion pour les films catastrophes surtout quand le lieu de l’histoire était un moyen de transport : Speed, Des serpents dans l’avion, Titanic, Seul au monde … Des films qui me faisaient ressentir des émotions contradictoires : des rires aux cris. De plus, ils ajoutaient une petite dose d’adrénaline chaque fois que je voyageais. 

Pour l’avion, c’est une autre affaire. Même si les histoires de crash, tant dans la fiction que dans la réalité, me faisaient tenir le petit sac en carton comme mon meilleur ami de voyage, j’étais toujours rassurée à l’idée de prendre un vol Air Algérie. En effet, la compagnie ne comptait que très peu d’accidents, à savoir deux crashs, l’un en 2003 (102 morts) à Tamanrasset et le second en 2006 (3 morts).

On l’aimait bien, notre Air Couscous national : les carnets de coloriage, les plateaux-repas généreux, les hôtesses quadragénaires parfois maquillées comme des danseuses du Crazy Horse, ou d’un cabaret oranais pour être plus modeste.

On leur pardonnait presque leurs fréquents et interminables retards ainsi que leur shopping occasionnel dans nos valises qui leur ont fait une réputation en or (volé) !

Mais voilà que depuis quelques temps, Air Couscous s’enlise non pas dans la sauce aux légumes, mais dans une saga tragi-comique qui lui vaut une chute vertigineuse dans l’opinion algérienne. Aujourd’hui, certains n’hésitent plus à se tourner vers d’autres compagnies comme Aigle Azur ou Air France. (Bon j’avoue, je prends Aigle Azur depuis un moment, mais seulement parce que les retards d’Air Algérie étaient rarement compatibles avec les trains nocturnes allant de Marseille à Montpellier.)

La saga Air Algérie débute avec le drame du vol Ouagadougou-Alger, qui s’est écrasé au Nord-Mali le 24 juillet dernier, bilan : 116 passagers morts sur le coup. Fidèles à leur impatience, les médias se sont lancés dans toutes les suppositions possibles quant aux raisons de cet accident : détournement, appareil touché par un missile, raisons climatiques,défaillances techniques? Une personne en particulier a trouvé une explication beaucoup plus simple : c’est une compagnie du Tiers Monde.

« Si une dictature n’avait pas ruiné les Français, ils ne seraient pas obligés de prendre des compagnies aériennes du Tiers Monde. #AH5017 » – Nadine Morano

Venant d’une personnalité politique française dont la compagnie aérienne ne sert que 3 biscuits apéritifs au moment du déjeuner, la notion de Tiers Monde n’est peut-être pas très appropriée.

Ce crash, d’un avion algérien, sur le territoire malien,dont une grande partie des passagers était de nationalité française, a créé un certain brouhaha entre les différents acteurs chargés de gérer le drâme. Puis, on décida que c’était une affaire française ! De toutes les manières, Air Algérie s’était déjà lavé les mains de toute culpabilité en rejetant la faute (comme à son habitude) sur la nationalité « espagnole » de l’équipage. Histoire de dire que même une tornade à 200 km/h pourrait être évitée par nos pilotes.

Côté algérien, la crise a été gérée selon nos coutumes locales : pas ou alors très peu de communication quant aux avancements de l’enquête. Notre ministre des Transports, Amar Ghoul n’a pas manqué de mettre les pieds dans le plat en brandissant la boîte noire de l’avion comme un butin de guerre, qui n’est en réalité que le maigre butin de la faible souveraineté de l’Algérie dans cette affaire.

La faute « à la main étrangère »

Par la suite, de nombreux incidents techniques à des degrés de  gravité variables ont placé Air Algérie à la frontière de la redoutable liste noire.

A l’aéroport de Lille, un avion s’est enlisé en touchant le gazon, bloquant les pistes aériennes pendant deux heures. Il y a deux jours, double incident : sur le sol d’Alger, deux avions se « frôlent légèrement » , ne touchant qu’un bout de l’aile. Le fait est raconté comme si une voiture avait frôlé le rétroviseur d’une autre. Et c’est finalement un sanglier, qui clôt (momentanément) la série d’incidents d’Air Algérie, comme la malheureuse victime de la gestion médiocre de la compagnie aérienne. Et puis de toute façon, le halouf c’est hram !

Car il serait bien facile de dire, comme l’ont fait nos politiciens à de nombreuses reprises que c’était la faute « à la main étrangère ». Cette fameuse main qui pèse de tous ses maux sur l’Algérie depuis son indépendance. Les plus superstitieux pourraient aussi dire que c’est la faute au mauvais œil, celui qui remplace la main étrangère quand elle est en congé. En réalité, ces incidents n’ont fait qu’éclairer l’opinion algérienne sur la crise interne d’Air Algérie.

Car même en dehors de l’avion, des agents de la compagnie sont capables d’oublier un enfant pendant plus de 30 heures, alors qu’il était censé être accompagné lors de son  transit. Où sont donc passés ces agents si gentils avec les enfants voyageant en « UM », qui nous faisaient monter dans l’avion par le monte-charge qui transportait les chariots de plateaux-repas (Ceci est une histoire vécue).

Actuellement, Mohamed Salah Boultif est toujours à la tête de l’entreprise, malgré un silence de mort face à cette série d’incidents. Seul le président peut le limoger, encore faudrait-il qu’il prenne un avion Air Algérie. C’est donc Amar Ghoul qui se charge de porter la responsabilité (et la moustache) en annonçant un audit qui promet de faire tomber des têtes au sein d’Air Couscous.

En attendant, Air Algérie vous souhaite excellent voyage, et de rester en vie. Inchallah.

*halouf: cochon

*hram : péché

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Commentaires

René Nkowa
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L'Algérie a son Air Coucous, le Cameroun a son Air Peut-être. "Peut-être partirons nous à l'heure... En fait peut-être pas. Peut-être ne partirons nous tout simplement pas, finalement".

Emrys
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Personne ne peut nier la qualité de cet article